La décision du gouvernement burundais de reporter au 21 juillet l’élection présidentielle initialement prévue le 15 juillet ne permettra pas en soi de créer les conditions propices à des élections libres et régulières, a déclaré une coalition de 17 organisations non gouvernementales (ONG) africaines et internationales. Si les élections ont lieu le 21 juillet, elles pourraient aggraver la crise politique, sécuritaire et humanitaire, et amplifier le climat de violence que connaît le pays.
Les ONG signataires dénoncent ce report de six jours comme une mesure insuffisante ne tenant pas compte du risque que, dans ce contexte, les élections puissent être à l’origine de violences accrues et de dizaines de milliers de nouveaux déplacements de populations. Elles appellent à la mise en place d’un dialogue entre gouvernement, opposition et société civile, avec le soutien d’une médiation internationale pour sortir de l’impasse politique et créer les conditions propices à la tenue d’élections libres et régulières.
« Plus de 145.000 personnes ont déjà fui le pays à cause des violences qui ont éclaté au mois d’avril, mais cela pourrait être le début d’une crise bien plus grave» a déclaré Ndung’u Wainaina, directeur exécutif de l’International Center for Policy and Conflict basé à Nairobi. « Dans le contexte actuel de tensions et la forte probabilité de nouvelles violences, le maintien des élections prévues la semaine prochaine risquerait d’aggraver la crise politique. »
Alors que le climat de peur s’intensifie à travers le pays, le risque d’un nouvel exode de masse dans les prochains jours est bien réel, ce qui ne ferait qu’intensifier les retombées sur les pays voisins. Accusant le Président Nkurunziza d’enfreindre la Constitution en briguant un troisième mandat, les partis d’opposition ont annoncé leur intention de ne pas participer à ces élections et appellent à amplifier le mouvement de protestation si celles-ci sont maintenues dans le contexte actuel.
D’après les observateurs des Nations Unies, les récentes élections locales et législatives se sont déroulées dans des conditions « non propices à la tenue d’élections libres, régulières, transparentes et crédibles. » Les électeurs ont de plus été appelés aux urnes alors même qu’était menée une répression sévère à l’encontre des médias, et de l’exercice d’autres droits humains et libertés fondamentales.
« Toute solution à la crise que traverse le Burundi devra passer par un dialogue ouvert et inclusive, et pour cela un retour à une information libre et plurielle est indispensable. Il faut que les médias privés soient autorisés à rouvrir,» a déclaré Christophe Deloire, Secrétaire-Général de Reporters Sans Frontières.
Samantha Power, représentante des Etats-Unis à l’ONU a récemment déclaré que le Burundi est « au bord du précipice », tandis que le Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies a exprimé ses craintes que la crise politique n’ouvre la voie à de nouvelles atrocités. Des témoignages inquiétants d’incursions armées dans le nord-ouest du pays, et de l’émergence d’une rébellion armée annoncée par un Général burundais ayant fait défection, suggèrent une escalade et possible régionalisation de la crise.
L’Union Européenne envisage d’adopter des « mesures restrictives ciblées à l’encontre de ceux dont l’action aurait conduit ou conduirait à des actes de violence et de répression, à de graves violations des droits de l’homme. » Les ONG africaines et internationales soutiennent ces recommandations et exhortent au déploiement immédiat d’observateurs de la situation des droits humains comme condition préalable à la tenue du scrutin.
« Sans un dialogue immédiat et de réels efforts pour créer des conditions propices à des élections libres et régulières, la stabilité du Burundi et de la région toute entière est en péril, » a déclaré Peter Rundlet, Vice-Président de Humanity United. « Un consensus mondial émerge autour de la nécessité de reporter suffisamment ces élections pour éviter que le Burundi ne bascule. Pour le bien des Burundais, de la région et de la communauté internationale, la situation exige plus qu’un report de quelques jours.»
1. Africa Peace Forum (APF)
2. Africa Research and Resource Forum (ARRF)
3. Center for Conflict Resolution (CECORE)
4. Center for Democracy and Development (CDD)
5. Forum pour le Renforcement de la Société Civile au Burundi (FORSC)
6. Global Center for the Responsibility to Protect (GCR2P)
7. Global Partnership for the Prevention of Armed Conflict (GPPAC)
8. Héritiers de la Justice
9. Humanity United
10. International Center for Policy and Conflict (ICPC)
11. Journalistes en Danger (JED)
12. Mensen met een Missie
13. Nairobi Peace Initiative – Africa (NPI – Africa)
14. Pan African Lawyers Union (PALU)
15. Reporters Sans Frontières (RSF)
16. Tearfund
17. Women in Alternative Action (WAA)
Photo: Pierre Nkurunziza (JOEL SAGET / AFP)